Nouvel an à Niijima
Le départ
Lorsque j’ai demandé à la dame de l’office du tourisme de Tokyo l’adresse d’un bon restaurant à Niijima pour passer la soirée du nouvel an, elle a paru… légèrement décontenancée. Pourquoi aller là-bas a-t-elle demandé. (Cette question aurait dû me mettre la puce à l’oreille, mais je suis restée sourde à sa surprise.) Des amis m’ont conseillé l’endroit ai-je rétorqué, sûre de mon bon choix. Après quelques recherches, ma précieuse informatrice m’annonce qu’elle n’a rien à me recommander (ce qu’elle pressentait dès le début), que le seul bus de l’île sera certainement hors-service en cette période de congé et qu’aucun ferry n’a pu accoster à Niijima depuis deux jours en raison d’un très grand vent en mer. Ah ?! ça promet !
Après une journée à envisager un plan b (rester à Tokyo ou… rester à Tokyo, un programme alternatif varié et original), j’apprends que le bateau partira finalement comme prévu, le soir à 22h. En revanche, la compagnie maritime ne s’engage ni sur l’arrivée, ni sur le retour du ferry. Ah ?! ça promet…
A bord… formidable ! Une ambiance du tonnerre, planche de surf à la main et canette de bière dans l’autre. Les voyageurs sont vraiment relax, ça change des salarymen tirés à quatre épingles. La cabine est équipée d’une télévision et met des yukatas à disposition (j’ai appris aujourd’hui que j’aurais même pu prendre un o-furo à bord, quelle classe). Petit bémol néanmoins : l’absence de sacs à vomi. Ils auraient pourtant été bien utiles le lendemain matin, entre roulis et tangage, lorsque mon pauvre ventre a rendu tout ce qu’il pouvait. C’est bien simple, en accompagnant ma cadette aux toilettes, j’avais l’impression que les murs du couloir jouaient au ping-pong avec moi (sachant que je me tenais littéralement à quatre pattes, imaginez le tableau).
Le bateau finit cependant par arriver avec une heure et demie d’avance. Les vagues immergent la moitié du quai et il souffle un vent à décorner les boeufs. Nous sommes une poignée de péquins à quitter le navire.
Bienvenue à Niijima !
L’île morte
Niijima est une île de 24 km2, située à 163 km au sud de la capitale. Elle compte moins de 3 000 habitants. Elle ne possède pas de temple particulièrement renommé, mais ses plages sont parmi les plus belles du Japon. Les surfeurs y accourent et tout Tokyo s’y déverse dès les beaux jours.
Nous étions partis chercher le calme, nous avons trouvé… le désert.
Pas un magasin ouvert (encore moins de combini, inexistant là-bas).
Pas un touriste à l’horizon.
Pas de bus en circulation, pas de vélo et à peine deux voitures.
Un seul réseau de téléphone (ouf pour le garçon qui m’accompagne).
Un chat. Des nuées d’oiseaux.
Et moi (plus les trois malheureux à qui j’ai infligé ce « voyage de rêve »).
Le grand hôtel
L’unique établissement ouvert de l’île en cette période de fin d’année peut accueillir 120 personnes. Nous étions quatre, accueillis au port par la patronne grelottante derrière sa pancarte. L’hôtel est immense et nous avons l’impression d’être les héros de Shining.
Heureusement, les propriétaires sont aux petits soins. Ils s’inquiètent de notre premier dîner sur l’île et réservent dans une sushiya qu’ils font ré-ouvrir pour nous et où ils nous conduisent eux-mêmes. Nous y célébrerons le réveillon, le nez devant la télévision qui diffuse la grande soirée censée nous mettre de joyeuse humeur. J’apprécie particulièrement le moment où le perdant du jeu « jan ken poi » (pierre, feuille, ciseaux) se voit déverser dans le pantalon le contenu frétillant d’un petit aquarium. Un pur moment de divertissement à la japonaise !
De retour à l’hôtel, les propriétaires proposent de nous rendre ensemble au temple pour écouter à minuit les 108 coups de cloche traditionnels. Ils nous y emmènent en voiture et j’ai le droit de faire sonner la cloche moi-même, aidée par un moine (un prêtre ?). On prend deux fois son élan et dong !
Instant de recueillement vrai sous le ciel étoilé.