Archive for novembre, 2009
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Une amie poète me déclarait aujourd’hui que « quand même, le Japon, c’est pas la petite maison dans la prairie« . On peut bien laisser les enfants rentrer seuls à la maison dès 6 ans, il y a toujours des psychopathes qui rôdent. Comme partout ! La preuve : cette histoire rocambolesque qu’elle me raconte avec moult détails.
Un jour, une femme disparaît. Début classique. On interroge son entourage et on découvre un homme qui accepte sans problème un rendez-vous avec la police. Les forces de l’ordre débarquent chez lui, comme prévu, mais voilà que notre individu prend ses jambes à son cou et file comme le vent sans demander son reste. Dans sa salle de bain, on trouve le cadavre de ladite demoiselle, baignant dans des litres de sable. Arghl ! Tous les commissariats du pays sont alors mis en demeure d’afficher la tête du bonhomme, il est wanted et on promet 10 millions de yens à qui le retrouvera. Une somme assez rondelette ma foi.
Eh bien, figurez-vous qu’on vient de le retrouver ! 2 ans après !
Il a été reconnu par un douanier alors qu’il se rendait à Okinawa et qu’il était sur le point de se faire refaire la mâchoire, le nez ayant déjà été retapé. Incroyable, non ? Et il semble qu’il n’ait opposé aucune résistance.
J’en conclus qu’en ouvrant l’oeil, et le bon, on peut facilement devenir riche ici.
Chasseuse de primes, et pourquoi pas ?…
Tout à l’heure, j’étais près du Meiji Jingu Shrine quand j’entends une voix française déclarer sur le ton docte de celui qui sait « le Japon, c’est pachinko, saké et promenade dans les parcs ».
Ben voyons ai-je pensé, et l’Ecosse c’est Loch Ness, kilt et whisky, l’Egypte pharaon, papyrus et pyramide, la Grèce, salade, cyclades et antiquités ?
Parfois, ça me désespère cette façon de s’en tenir aux lieux communs.
Ce touriste et moi étions pourtant ensemble cet après-midi dans le quartier de Harajuku. Il lui suffisait d’ouvrir les yeux pour voir que le Japon c’est aussi des rockeurs en cuir et banane qui laissent entrevoir leur torse en dansant, des filles en kimono parées comme des princesses et légèrement instables sur leurs petits pieds, des gars à l’appareil photo vissé au bout du bras qui shootent en rafale sans s’essouffler, des mariées en blanc qui sourient discrètement à la foule de badauds qui les encercle, des chiens dans des poussettes fagotés comme des bébés, de pauvres ères qui se rappellent qu’aujourd’hui c’est la fête des 3-5-7 et qui sourient aux enfants.
Oui, il y avait tout cela aujourd’hui en plein coeur de Tokyo.
Et aussi, hélas, ce touriste qui visite les yeux fermés et sa (grande) gueule ouverte.
Un peu plus et il me gâchait ma journée !
Chaque ami qui vient ici n’attend qu’une chose : éprouver sous ses pieds le sol instable, se frotter aux murs qui ploient et aux fenêtres qui craquent, ressentir ce frisson qui accompagne souvent les petits tremblements de terre que le pays accumule comme autant de records.
Mes invités repartent souvent déçus.
Quand je suis arrivée, j’étais pareille, curieuse de connaître ce sentiment de fragilité face aux forces de la nature et de pousser ce ouf ! de soulagement qui vient après la secousse.
Oui mais voilà, cela fait plus d’un an maintenant que je vis à Tokyo et l’intérêt du début a laissé place à une peur indéfinie et permanente. Ici, chacun attend le retour du Big One, celui qui a tué 143 000 personnes en 1923. On l’attend avec fatalisme, un carton de survie à portée de main.
C’est étrange de vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête.
L’idéal, c’est de ne pas y penser bien sûr – sinon, il faut faire ses valises et rentrer bien vite en France.
Cette nuit à 4h00 du matin, la terre s’est rappelée à mon bon souvenir. Tremble a-t-elle dit.
Moi, je suis pour la libre expression, la démocratie et tout le tintouin.
Mais… il y a des limites !
Par exemple ici, sur ce blog, je n’ai pas plutôt publié quelques billets que j’ai déjà une avalanche de critiques. On me dit que le japonais c’est pas de la gnognote du tout, que c’est super compliqué, qu’il faut conjuguer les adjectifs et qu’il y a trois niveaux de langage (familier, poli et honorifique). Sans compter les compteurs. Quel bazar ! On me précise que dans la langue du pays, pour dire déshabille-toi on lance « takatukite » – j’ai oublié de le préciser dans mon sujet sur les bons mots. J’entends déjà certains m’avouer que Barthes les endort ou les assomme.
Ok, ok.
Mais ici, c’est chez moi, j’écris ce que je veux. Donc, je pense que je vais bientôt supprimer les commentaires. Si quelqu’un y trouve à redire, qu’il me fasse part de ses arguments.
Ha ha, on fait moins les malins pas vrai ?
Les boules de Noël, vous en avez achetées comme moi par paquets entiers ! Et bien sûr, vous vous êtes arraché les cheveux en essayant de glisser la branche du sapin avec toutes ses épines dans le minuscule anneau qui surplombe les fameuses décorations. Eh bien aujourd’hui, j’ai découvert le crochet, un simple fil de métal en s qui permet de suspendre les boules les doigts dans le nez, en laissant votre arbre beau et verdoyant. J’ai trouvé ça dans une boîte que j’ai dégotée à Tokyu Hands.
Mais pourquoi n’a-t-on pas prévu ce détail pratique plus tôt ? Parce qu’on n’y avait pas pensé pardi ! C’est là tout de problème : les choses les plus évidentes nous passent à côté parce qu’on réfléchit à autre chose (la dinde, les cadeaux, les prochaines vacances et que sais-je encore).
Au Japon, l’eau de la chasse passe par un petit robinet qui permet de se laver les mains au-dessus des toilettes. Elle s’écoule ensuite dans la cuvette, à peine savonneuse. Voilà qui rend l’installation d’un lavabo complètement inutile. Dans les magasins, quand vous partez avec un carton, il a été solidement ficelé et une poignée a été accrochée pour une prise en main facile, comme on dit dans la pub. Détail d’importance : un papier mousse recouvre celle-ci de manière à épargner vos menottes. Sympa pensez-vous ? Non, PRATIQUE !
On peut mourir de tout. De maladie, de vieillesse, d’un banal accident de la route ou d’amour tiens. Oui ça arrive, lecteurs dubitatifs, voyez Juliette et son Roméo. Mais ici, dans ce pays étrange, on meurt d’avoir trop travaillé et ce phénomène bien particulier a un nom : karoshi.
Le terme a récemment été médiatisé à propos d’une gérante d’une chaîne de fast-food américaine (je ne sais pas si je peux la citer mais il y a du rouge et du jaune dans son logo, suivez mon regard). Elle faisait 80 heures de travail supplémentaire par mois ces derniers temps et paf, ça l’a tuée. Dans Libération, on annonçait 157 décès officiels par karoshi. Impressionnant – sachant que 20 000 seraient plus proches de la réalité.
Que dire, faut-il arrêter de travailler ici ? Doit-on faire grève ou plier bagages ?
Cette nuit, un garçon de ma connaissance a été appelé à 22h pour régler un problème informatique. Il a quitté sa maison 30 minutes après pour se rendre physiquement sur les lieux du bug parce que, forcément, nul autre que lui ne pouvait se charger de la manoeuvre. Il est rentré à 4h30, pour se lever à 6h et repartir au boulot. Aujourd’hui, il fera sans doute la sieste dans les toilettes et aussi dans le métro… en attendant le karoshi ?
Depuis que je l’ai lu, j’ai l’impression que je ne pourrai jamais rien écrire sur le Japon.
Sur le ballet des baguettes et leur façon de faire glisser le riz à la bouche,
sur la gare, coeur battant de la ville sans adresses,
sur le haïku, tableau furtif d’un simple moment de grâce…
il a tout dit.
Et de quelle manière encore ! D’une belle écriture taillée au scalpel, fine et précise sans jamais être ennuyeuse ou convenue. Que faire après lui ?
Roland Barthes.
A côté du chinois, réservé aux seuls musiciens capables de différencier ses quatre tons, ou des langues de l’est qui accumulent parfois jusqu’à cinq consonnes successives, le japonais c’est de la gnognote. Toutes ses syllabes existent dans notre bon vieux français. On peut donc aisément se taper les cuisses en inventant une blague à consonance japonaise, attention seulement à parler très vite mais pas de façon tching gnang tong (là, c’est du chinois mal caricaturé – rien à voir).
Je vous en livre une, histoire de rigoler un coup : que dit-on à un garçon qui vient d’être largué ? Tananatakite (ha ! ha!). Allez, une autre parce que c’est vous. Comment dit-on « jupe » en japonais ? Oraduku ! Fin et élégant. Bon, et pour élever le débat comme le conseillerait ma maman, je promets de m’efforcer de trouver mieux pour ce blog. Quelque chose de plus… teikoku (impérial, donc). Bonne lecture !