Archive for mars, 2010
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Elle s’était inscrite pour 4 jours en immersion totale dans une famille française de Tokyo. Elle est tombée sur la mienne. Elle est donc arrivée sous une pluie battante et glacée à peine couverte d’une petite veste légère. Elle avait une mine de chat sauvage et de longs cheveux lissés de cette drôle de couleur de teinture typiquement japonaise : caramel ?
Pour la mettre à l’aise, je lui ai tout de suite annoncé que j’avais préparé un gâteau au chocolat en son honneur, elle a esquissé une grimace polie : le chocolat, pas trop pour elle, ni les choses sucrées en général. J’ai pensé zut. Nous avons dîné en tâchant d’échanger quelques mots, puis elle a demandé si elle pouvait prendre un bain. Mais bien sûr ! Elle y est restée un moment (c’est peu dire).
Au matin, elle s’est contentée de grignoter du pain en regardant avec étonnement les céréales et le yaourt que je lui proposais. De mon côté, je revoyais clairement ma propre surprise devant les oeufs de poissons offerts le matin en ryokan – chacune son tour. Le soir, j’ai tenté un bout de conversation. Connaissait-elle des chanteurs français ? (Non.) Des acteurs alors… comme Sophie Marceau ? (Non.) Euh… était-elle déjà allée en France ? (Non.) Ah. Finalement, elle a admis – puisqu’elle étudie la culture et la littérature françaises à l’université – avoir lu Camus. C’est pas rien L’étranger ! Nous avons terminé le repas, puis elle a demandé si elle pouvait prendre une douche. Elle y est restée un moment (c’est rien de le dire).
Le soir d’après, histoire de passer le temps, je lui avais réservé une surprise. Hé ! hé ! Les Fourberies de Scapin en français (sous-titrées en japonais), avec que des bons acteurs : Torreton, Podalydes… La crème de la crème. Bon, je sais, j’ai mis la barre un peu haut mais que voulez-vous, je n’ai trouvé que ça à l’Institut franco-japonais près de chez moi. Le lendemain, nous sommes allés dîner chez une copine qui elle-même hébergeait une étudiante japonaise. Là, nous avons chanté (en fait, braillé), dansé le rock (donc, gigoté), les enfants ont fait une démonstration de tecktonik, nous avons mangé du fromage de contrebande et bu du champagne… elle en est restée baba. Le savoir-vivre à la française, sans doute l’imaginait-elle plus distingué ?
Son dernier jour est finalement arrivé. En guise de merci, elle m’a remis en partant une petite carte adorable écrite dans le secret de sa chambre avec un croquis de tous les membres de la famille. Chacun était identifié par un objet et une phrase caractéristiques. Moi, je demande « ça va ? » la question de base que j’ai réussi à lui poser 35067890 fois environ en quatre jours seulement (un record) ; j’ai aussi mon ordinateur sous le bras – il fallait s’y attendre.
De mon côté, si je devais la dessiner, je l’enchaînerais à son téléphone portable rose et elle demanderait « est-ce que je peux utiliser la salle de bain ? » (quand je vous dis que les japonais sont propres). Allez Aina, tu reviens quand tu veux !
Il existe ici un homme qui a le pouvoir d’influer directement sur le comportement de millions de Japonais. Cet homme aux responsabilités titanesques, c’est le chef de la Japan Meteorological Agency. Chaque année, il lui incombe d’annoncer au jour près la date de début de floraison des cerisiers. Il donnera ainsi le coup d’envoi officiel à la saison de 0-Hanami qui draine quantité de passionnés dans les parcs et jardins de tous les pays.
A Tokyo, le 22 mars devait voir poindre les premières fleurs, sachant que la période la plus propice à la contemplation des sakura s’étendrait du 26 mars au 6 avril. Admirez la précision de l’agenda ! Il faut dire qu’autour de ces dates s’organisent de nombreuses festivités, sorties et pique-niques. Monsieur Météo a intérêt à ne pas se tromper comme ce fut le cas en 2007. Cette année-là, pour avoir anticipé de 3 jours le lancement de Hanami, le grand homme a été contraint de présenter des excuses publiques. Il a ainsi reconnu : « nous avons perturbé les usagers avec notre (mauvaise) information« .
Attention, hein, va pour une fois mais qu’on ne l’y reprenne pas !
La première fois que j’ai essayé d’inscrire ma fille en France, on a doucement ricané. Avant 6 ans, les enfants ne sont pas suffisamment coordonnés pour pouvoir apprendre à nager. Allons, Madame, un peu de sérieux voulez-vous ? Ce maître-nageur, si sûr de lui, serait certainement étonné de voir les petits Japonais de 4 ans multiplier les longueurs comme des champions. En outre, il serait probablement atterré par le mode d’apprentissage imposé aux plus jeunes. En France… il s’agit d’abord de ne pas avoir peur de l’eau. On étudie donc la méthode de survie n°1 en milieu aquatique : la célèbre nage du petit chien ! Peu importe la beauté du geste, on barbote vaguement et si la tête surnage, c’est gagné. Ensuite, on tente quelques longueurs avec de vagues mouvements de grenouille puis c’est l’heure des jeux : on saute, on s’éclabousse, on rigole. On s’amuse ! Ici, rien de tout cela. La natation, ce n’est pas de la rigolade. On commence par apprendre les bases : la planche, face et dos. Ensuite, on décortique les différentes nages (dans l’ordre : crawl, brasse et papillon) en décomposant les gestes. Durant certaines séances, les apprentis nageurs ne feront que battre des pieds. Ensuite, ils perfectionneront la rotation de la tête et la respiration. Une autre fois, cap sera mis sur l’exercice du bras droit qui passera son temps en moulinets plongeants. On ne combinera le tout qu’à la fin. Évidemment, on reste un peu sur sa faim au début. Annoncer fièrement que sa fille maîtrise les jambes et le bras droit au crawl prête plutôt à sourire. Mais l’effort est finalement récompensé. L’enfant passe bientôt du bonnet orange au bleu clair, puis au marine (comme les ceintures au karaté). Il ne coule plus, il nage bravement. C’est gagné, le petit chien peut aller se rhabiller.
Quand je rentre en France, je dois toujours me concentrer très fort pour me positionner correctement sur les escalateurs. Au Japon en effet, on roule, on marche et on grimpe les escaliers toujours du même côté : le gauche. L’origine de cette habitude ? D’après la légende, elle viendrait du temps où l’on se baladait le sabre à la hanche, prêt à être prestement dégainé de la main droite. Pour éviter un cliquetis de fourreaux se percutant accidentellement, on se croisait donc du seul côté libre ! Alors… fadaise, mythe ou origine avérée, à vous de déceler dans cette histoire la part de vérité qui pourrait s’y nicher.
Vous la croyiez en voie de disparition ? Allons bon. C’est que nous n’êtes jamais venu au Japon. Ici, elle conserve toute sa place. Vendue à prix (relativement) modique dans de nombreux distributeurs automatiques ou petites supérettes, elle continue de trouver preneur chez l’un des 26 millions d’accrocs que compte le pays. Le fumeur, en outre, n’est pas stigmatisé. Il vit sa vie de fumeur dans des zones réservées aux fumeurs. Les cafés, les restaurants ou les bars l’installent dans quelque espace dédié et la chaussée l’accepte bien volontiers dans un espace délimité avec cendrier à disposition. Depuis peu cependant, les choses changent. Incroyable mais vrai, les hôpitaux sont sur le point de devenir entièrement non-fumeurs et l’état, toujours en manque d’argent, a bien l’intention d’augmenter le prix des cigarettes – il en tirerait alors un joli pactole qu’il serait trop bête de laisser partir en fumée.
Vous l’aurez compris, les journées des Japonais sont telles que chaque moment de répit est bon à prendre. On se laisse donc souvent aller à une sieste improvisée sur les sièges du métro, les bancs des squares ou la lunette des toilettes. Il y en a même qui réussissent l’exploit de dormir bien droit, assis à leur poste de travail. Ainsi, il n’est pas rare de devoir taper à la vitre d’un guichet pour réveiller celui qui roupille sagement derrière. Et le plus agréable, c’est que personne ne vous juge. En France, le sommeil hors de la maison est louche. Il offense l’idée qu’il faut savoir se tenir en société. Il parle de relâchement, d’exhibition et de risques bêtement encourus face aux mains insidieuses des pickpockets. Ici, rien de tout cela. Vous dormez. Cela ne prête ni à jugement, ni à conséquence. Pour ma part, je n’hésite jamais à piquer un petit somme, à moitié avachie sur ma voisine de train qui elle-même somnole contre un salaryman crevé. Finalement, notre voiture se transforme en dortoir roulant, avouez qu’il y a pire pour voyager !
Rembobinons. Remontons disons… au 14 février. Vous vous souvenez ? Je vous racontais qu’au Japon ce jour-là, ce sont aux femmes d’offrir des chocolats aux hommes, en attendant le fameux retour d’ascenseur un mois plus tard. A présent, regardez vos calendriers. Oui. Vous avez bien lu : nous sommes le 14 mars. Aux garçons de rendre la pareille et, si possible, avec un cadeau d’une valeur trois fois supérieure à celui qui aura été reçu – merci à cette bonne vieille tradition japonaise. Avec les kilos de pralinés que j’ai offerts, je comptais donc bien recevoir aujourd’hui mon poids en douceurs. Qu’en a-t-il a été, je vous le donne en mille ? Tintin, rien (ça m’apprendra à parler régime à tout bout de champ).
Nota bene : on appelle ce jour le « White Day », car il a été lancé en 1965 par une entreprise spécialisée dans les marshmallows. Désormais on peut offrir ces confiseries, mais aussi des chocolats blancs, des cookies, des sacs ou des bijoux. Avis aux gentlemen (s’il en reste).
Imaginez qu’en vous rendant à un déjeuner avec le patron, vous tombiez sur une paire de chaussures de ski épatantes – celles dont vous rêviez depuis toujours. Ne souhaitant pas vous encombrer d’un gros sac de sport qui alourdirait votre silhouette, vous hésiteriez peut-être à l’acquérir. Ici, pas de souci, vous feriez votre achat et hop, ni vu ni connu, dans la consigne du coin.
Ah les consignes ! Elles sont partout ! A l’entrée des musées, des centres commerciaux, des restaurants, des gares… elles coûtent entre 300 à 500 yens, soit pas grand chose, et vous choisissez parmi plusieurs contenances. En voyage, j’y dépose mes valises en attendant l’heure du check-in, c’est pratique.
L’auteur Ryu Murakami, lui, a eu l’idée d’y faire abandonner Hashi et Kiku, les héros de son roman « Les bébés de la consigne automatique ». Les deux garçons mettront une vie à essayer de se relever de ce traumatisme fondateur, en vain. Malgré l’affection réelle qu’on essaiera de leur donner, ils ne réussiront pas à se libérer de l’emprise aliénante de ces casiers obscurs. Le livre est formidable, mais il modifie sensiblement le point de vue qu’on pourrait avoir sur les consignes. Maintenant, je ne peux éviter de jeter sur elles un regard soupçonneux.
Enfin, je ne résiste pas au plaisir de vous raconter cette initiative incroyable. En 2007, l’hôpital Jikei de Kumamoto inaugurait une « consigne à bébés », permettant aux parents en détresse d’y déposer anonymement leur enfant grâce à une petite porte ouverte sur l’extérieur. A peine refermée, une alarme se chargeait de prévenir le personnel soignant qui recueillait aussitôt le petit. Je ne sais pas si cette boîte existe encore, mais en 2007 : 17 enfants étaient abandonnés dans cette consigne unique au Japon.
Honnêtement, les campagnes de publicité japonaises ne sont pas démentiellement créatives (je parle de l’affichage, car je ne regarde toujours pas la télévision – mais je vais m’y mettre). Pourtant, il en est une qui fait toujours mouche : c’est celle qui prône les bonnes manières dans le métro en mettant en scène des situations jugées dérangeantes. Le texte (en japonais et en anglais) est limpide et le traité illustratif signé Bunpei Yorifuji… très efficace ! Personnellement, j’adore ces affiches qui ne manquent ni d’humour, ni de folklore. Je ne suis d’ailleurs pas la seule : de nombreux amis les considèrent déjà comme des collectors.
Je lisais l’histoire de cet éminent Japonais qui, après de longues années passées à l’étranger, déclarait être heureux de rentrer au pays et d’y retrouver son épouse. Consternation générale. Mettre en avant le couple ou la famille, voilà qui était jugé comme une excentricité. Aux yeux de tous, il eût été plus décent de parler des cerisiers ou de l’empereur. Cette anecdote véridique illustre assez bien la place accordée aux Japonaises souvent réduites aux mauvais rôles de mère au foyer ou de prostituée. Aujourd’hui, et même s’il est loin le temps où l’ascension du Mont Fuji leur était interdite (jusqu’en 1872, quand même), leur vie reste dure. Elles travaillent toujours moins que les hommes, dans des conditions beaucoup plus précaires et pour des salaires très inférieurs. En outre, dans la majorité des cas, l’arrivée d’un premier enfant leur ferme définitivement les portes du monde professionnel. On comprend mieux pourquoi le taux de fécondité du pays est l’un des plus bas au monde : 1,37% seulement.