Les consignes
Imaginez qu’en vous rendant à un déjeuner avec le patron, vous tombiez sur une paire de chaussures de ski épatantes – celles dont vous rêviez depuis toujours. Ne souhaitant pas vous encombrer d’un gros sac de sport qui alourdirait votre silhouette, vous hésiteriez peut-être à l’acquérir. Ici, pas de souci, vous feriez votre achat et hop, ni vu ni connu, dans la consigne du coin.
Ah les consignes ! Elles sont partout ! A l’entrée des musées, des centres commerciaux, des restaurants, des gares… elles coûtent entre 300 à 500 yens, soit pas grand chose, et vous choisissez parmi plusieurs contenances. En voyage, j’y dépose mes valises en attendant l’heure du check-in, c’est pratique.
L’auteur Ryu Murakami, lui, a eu l’idée d’y faire abandonner Hashi et Kiku, les héros de son roman « Les bébés de la consigne automatique ». Les deux garçons mettront une vie à essayer de se relever de ce traumatisme fondateur, en vain. Malgré l’affection réelle qu’on essaiera de leur donner, ils ne réussiront pas à se libérer de l’emprise aliénante de ces casiers obscurs. Le livre est formidable, mais il modifie sensiblement le point de vue qu’on pourrait avoir sur les consignes. Maintenant, je ne peux éviter de jeter sur elles un regard soupçonneux.
Enfin, je ne résiste pas au plaisir de vous raconter cette initiative incroyable. En 2007, l’hôpital Jikei de Kumamoto inaugurait une « consigne à bébés », permettant aux parents en détresse d’y déposer anonymement leur enfant grâce à une petite porte ouverte sur l’extérieur. A peine refermée, une alarme se chargeait de prévenir le personnel soignant qui recueillait aussitôt le petit. Je ne sais pas si cette boîte existe encore, mais en 2007 : 17 enfants étaient abandonnés dans cette consigne unique au Japon.