La drague
Une amie qui venait me rendre visite s’étonnait de ce que les filles – légères et court vêtues – étaient laissées tranquilles. C’est vrai, au premier abord, les garçons semblent bien sages (ou tout du moins très discrets). Il faut dire qu’à Harajuku, des panneaux intiment aux amoureux de ne pas s’enlacer trop étroitement, forcément, ça refroidit. Mais… ne nous fions pas aux apparences. Aux heures de pointe, les trains réservent des voitures aux femmes qui souhaitent se protéger des mains baladeuses et les téléphones portables font un bruit distinctif dès qu’une photo est prise – impossible désormais de glisser l’engin où on veut pour se faire quelques souvenirs inoubliables. Amies lectrices, si, malgré tout, vous étiez tentées par un échange culturel mutuellement consenti, je vous recommande d’aller traîner du côté des jinrikisha. Les conducteurs de ces pousse-pousse japonais, des garçons aux « beaux mollets » (je cite là une copine experte en la matière), sont de parfaits jolis coeurs. Il y en a beaucoup vers Asakusa ou même à Kyoto. Allez-y !
Le saké
Au petit-déjeuner ? Quand mêêêême… tu exagères !
Eh bien non, chers lecteurs, je me plie simplement à une tradition qui veut qu’à chaque nouvel an, on commence la journée par une petite goutte de ce délicieux breuvage aromatisé aux herbes médicinales. Il s’agit de chasser les mauvais esprits et de prévenir les maladies durant les 365 jours à venir.
La première fois que j’en ai bu, c’était pour célébrer 2009 à Hiroshima.
Convertie au rituel, vous pensez bien que, cette année, je m’étais préparée à dégainer ma coupelle dès le lever du jour (toujours prête à me plier aux coutumes du pays). Et effectivement, ça n’a pas loupé, avant de déguster ma dorade et ma soupe aux mochis, j’ai bu boire un peu de o-toso à l’incroyable parfum de cannelle. Mmm… En 2011, si vous êtes dans les parages, vous m’en direz des nouvelles.
PS : Au passage, je rends hommage aux Chinois à l’origine de cette beuverie (un bien grand mot) matinale et recommandée pour la santé. Si j’attrape la grippe, gare !
Les écrans
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais dès qu’un écran est allumé quelque part, il faut que je regarde. Je me suis ainsi retrouvée à l’hôpital devant des proches agonisants à suivre Intervilles ou je ne sais quelle bêtise équivalente. Hypnotisée. Bêtifiée sur place.
J’aurais volontiers pris des mesures pour me désintoxiquer, mais ici, impossible, mon attention est sollicitée en permanence, je suis cernée de toutes parts par les écrans. Dans le train, je regarde la publicité pour Mac Donald (c’est fou, je sais) ou les rasoirs Panasonic. Dans la rue, je regarde des vidéos de rock stars japonaises. Dans le car, je regarde la présentation du zoo local ou des restaurants du coin. Dans le ryokan, je regarde les cerisiers en fleurs, le Fuji sous la neige ou les geishas. Dans les salles d’attente, je regarde le base-ball ou quelques jeux qui mettent en scène de jolies schoolgirls. C’est terrible, c’est envahissant, mais que faire ?
Heureusement, je n’allume pas la télévision chez moi (je l’ai remplacée par l’ordinateur).
Le festin japonais
Imaginez un plateau laqué en demi-lune sur lequel seraient disposées d’innombrables coupelles remplies de mille petites choses : des haricots piqués dans des épines de pin, des boulettes finement rayées d’herbes aromatiques, des pommes de terre délicatement sculptées, un poisson emballé comme un cadeau dans une généreuse feuille brune et croquante, des beignets nuageux à l’asymétrie travaillée. Placez au-dessus une calligraphie majestueuse et dansante, tracée sur un beau papier blanc. Imaginez que le poème parle de neige et de fleurs et qu’il soit écrit pour vous.
Itadakimasu !
La tatamisation
Il existe ici un phénomène insidieux qui rend certains plus japonais que les Japonais eux-mêmes. Bien sûr, les yeux ne s’étirent pas en de longues fentes mystérieuses et les cheveux blonds le restent sauf à passer chez le teinturier. En revanche, le comportement évolue. Comme ça. L’air de rien. Moi, par exemple, je me courbe à 30° environ pour dire merci ou même au-revoir (finies les bises évidemment), je ne me risque plus à traverser en-dehors des passages pour piétons et j’attends sagement que le feu me soit favorable. Pour tout vous avouer, je fronce même les sourcils quand je vois certains contourner les règles (jeter un papier par terre, manger en marchant, fumer hors des zones réservées – un truc vraiment grave quoi) je pose mes poings sur les hanches avec un air totalement exaspéré ! Tiens, avant-hier, mon train avait 10 minutes de retard pour cause de neige délirante sur les voies. Peut-être pensez-vous que j’ai haussé les épaules en me disant « bah, ce n’est rien, l’essentiel est d’arriver à bon quai » ? Pas du tout ! J’ai bouilli intérieurement. Inadmissible, ai-je grimacé. Heureusement, j’ai parfois des relents de nostalgie qui me recommandent de m’inscrire d’urgence à un stage de ré-accoutumance aux habitudes françaises. Vous avez de bonnes adresses à me conseiller ? Je ferai passer à quelques proches tatamisés de ma connaissance.
2 millions de Japonais et moi et moi et moi !
Chaque fin d’année, mon quartier se vide comme une baignoire dont on aurait subitement enlevé la bonde. En quelques heures seulement, commerçants, étudiants et restaurateurs disparaissent, ne laissant derrière eux que les chats sauvages, les corbeaux et quelques malheureux étudiants enchaînés aux caisses des combinis. Longtemps, cette absence subite m’a intriguée. Sont-ils en famille, avec leurs amis, au pachinko, dans des maisons closes me demandais-je. Eh bien non, chers lecteurs, en cette période de réveillon les Japonais sont… au temple (mais c’est bien sûr). J’ai fait les frais de cette découverte dans un lieu exceptionnel : le Fushimi Inari Jinja. Ce lieu de culte, près de Kyoto, est dédié au dieu du riz dont les renards seraient les messagers. Il est célèbre pour les dizaines de milliers de tori qui s’y alignent en un tunnel immense, dessinant un serpent rouge sur les flancs de la montagne. Appâtée par cette description je m’y suis donc rendue hier dans un esprit de recueillement et là… des Japonais à perte de vue. Des grands, des petits, des vieux, des bébés, des handicapés, des moches, des riches, des gros, des bizarres, des chevelus, des pas-vraiment-japonais (des touristes donc)… bref, ils étaient des millions avec moi à prier, acheter des amulettes, se faire prédire l’avenir, prendre des photos, allumer des bougies, manger de la barbe à papa, mâchouiller du poulpe ou lécher des sucettes Pokemon.
Si vous vous sentez un peu seuls en cette période de fêtes, je vous recommande donc vivement une petite virée au temple. Compagnie garantie.
(Et bonne année quand même !)
Le onsen
Voici une volupté japonaise, dont j’adore le rituel.
Tout d’abord, trouver le rideau rouge, celui qui indique l’entrée des filles.
Passer la porte et découvrir l’espace de toilette, l’alignement d’amples paniers qui accueilleront les vêtements, les miroirs embués et la balance qu’on n’utilisera pas.
Ouvrir enfin l’autre porte, celle qui donne sur le bain, et qu’on ne passera qu’une fois déshabillée.
De petits tabourets en plastique transparent ou rose sont placés devant les robinets en attendant nos fesses.
Douche chaude, shampoing doux et savon itou.
Plonger enfin dans l’eau brûlante à raison d’un petit orteil pour les plus sensibles et jusqu’au cou pour les plus courageuses. Ouille ! ouille ! ouille !
La féerie
Et soudain, au bout de la jetée, le Rainbow Bridge piqué d’innombrables lumières multicolores et des gerbes d’eau jaillissant de la mer, sur fond de nuit tombante et de musique symphonique. Sur un écran aquatique se reflètent notre belle planète bleue, légèrement flageolante, des champs de tournesols ou un envol d’oiseaux. Les spectateurs saisis se taisent.
Joyeux Noël !
Les distributeurs
Ce qu’il y a de formidable ici, c’est qu’on ne vous laisse jamais en rade.
Vous avez envie d’un journal qui stimule votre imagination de garçon prépubert, d’un manchon de poulet frit ou d’un paquet d’algues à 3h00 du matin, hop ! faites un saut au combini – l’un de ces « convinience stores » à l’américaine ouverts 24h/24 – vous serez satisfait dans la minute. Franchement, ça dépanne et les prix ne sont pas astronomiques.
Seulement voilà, les Lawson, 7-Eleven ou Family-Mart, il y en a beaucoup mais pas partout. Quand vous avez envie d’une boisson chaude sur le bord du quai, allez-vous sortir de la gare pour trouver le combini le plus proche, au risque de rater votre train que vous savez forcément ponctuel (en France, on peut toujours tabler sur une bonne dizaine de minutes de retard) ? Que nenni ! Mon conseil : filez au distributeur, vous y trouverez tout ce que vous voulez. Moi j’y achète :
– des boissons fraîches – dont le fameux Fanta au raisin,
– des thés, cafés ou citronnades chauds,
– des biscuits et des brioches,
– des glaces en cône ou en gaufrette,
– des barquettes de poulet frites ou de nouilles sautées…`
Franchement, ça dépanne et les prix ne sont pas astronomiques. En plus, ces engins vous mènent de surprise en surprise et vous n’êtes jamais déçu. Ainsi, si j’avais malencontreusement fait tomber ma culotte dans le onsen aujourd’hui, j’aurais pu acheter un slip à 400 yens dans un distributeur. Bien vu, non ?
La queue
(Mauvais esprits, passez votre chemin, ce sujet est très sérieux.)
Lorsque je suis allée en Chine, il y a quelques années, j’avais été surprise par le mode d’accès aux services de douanes. Au lieu de se ranger bien comme il faut (ou même légèrement de travers), les passagers se ruaient vers les guichets en jouant des coudes, des hanches et des pieds, peu importe que vous soyez enfant, future maman ou pauvre handicapé. Le plus fort faisait sa loi et vous aviez intérêt à appliquer le même système pour avancer. Vous vous en doutez, ce chacun pour soi et on fonce dans le tas n’a pas cours ici. Au Japon, on fait la queue. Partout. Tout le temps.
Vous voulez acheter un ticket ? Faites la queue.
Vous avez un besoin pressant ? Faites la queue.
Vous souhaitez traverser la route ? Faites la queue.
Et le pire, c’est que même lorsqu’il n’y a personne devant vous, vous devez quand même faire la queue. Au restaurant par exemple, pas question de vous installer de votre propre initiative à une table libre. Il faudra attendre que l’on vous place en amorçant un semblant de rang. C’est comme ça.
Enfin, sachez que la queue attire la queue. En effet, entre un lieu bondé et un autre vide, vous choisirez le premier, quitte à attendre une heure. Allons, allons, patience…