Le 1er jour de l’hiver…
Pour célébrer la nuit la plus longue et se préparer à l’arrivée d’une saison frigorifique, les Japonais ont coutume de prendre un bain dans lequel ils plongent quelques yuzus, ces agrumes odorants qui ensoleillent l’atmosphère et parfument délicatement la peau. Ils dégustent ensuite du potiron, cuit dans un bouillon agrémenté de soja et de saké.
Ce soir, c’est dit, je respecte la tradition.
Les mouchoirs
Je ne sais pas comment vous faites, mais moi, en hiver, j’ai toujours la goutte au nez. Du coup, je me balade avec d’innombrables paquets de mouchoirs dans les poches, sans compter les kleenex usagés que je me refuse à jeter à terre et qui attendent patiemment la vue d’une poubelle (bizarrement, il y en a très peu dans les rues).
Les Japonais, eux, ne se mouchent jamais.
Leur nez fonctionnerait-il différemment du mien ?
Ont-ils un talent particulier à retenir ce qu’il y a à retenir ?
Utilisent-ils une technique ultra-discrète apprise de leurs ancêtres ninjas ?
Mystère de la nature. Histoire de culture…
Ce que je sais (par une amie bien informée), c’est qu’ils sont nombreux à se rendre le matin chez l’ORL pour se faire aspirer le conduit nasal à l’aide d’un petit tuyau du genre à récupérer la salive chez le dentiste.
Rien à redire, c’est pratique.
Les adresses
Si je vous donnais mon adresse, vous pourriez bien sûr m’écrire mais pour arriver chez moi… ce serait une toute autre affaire. Ha ! ha ! Dans un an, vous y seriez encore. Il faut dire qu’ici, à part les postiers et la police, personne n’est capable d’identifier un lieu à partir d’une donnée… cadastrale. Du coup, on fonctionne beaucoup avec des plans, des cartes ou de petits croquis. On se donne aussi rendez-vous à la station de métro, mais attention, à Ikebukuro par exemple il y a 43 sorties. Il faut être précis dans ses indications ! Tiens, histoire de vous donner un exemple concret, je vous explique comment vous rendre chez mon médecin : descendez à Kojimachi, prenez la sortie 1, tournez à droite après le koban, traversez au passage pour piétons, c’est au 2ème étage au-dessus de la pizzeria. Fastoche je vous dis ! (Je peux aussi vous communiquer son adresse, mais dans ce cas, évitez d’y aller en cas d’appendicite aiguë… vous vous retrouveriez raide mort avant d’avoir trouvé – trop bête !)
Le taxi
Les taxis japonais ont des coquetteries de maisons belges.
Les sièges sont en effet recouverts de jolies housses en dentelle blanche, du genre à décorer les accoudoirs du salon plutôt qu’à égayer l’intérieur d’une berline verte. A vrai dire, ces protège-banquette, on n’ose à peine y rouler la tête de peur d’y laisser quelques cheveux, on s’y tient donc droit comme la justice.
Le chauffeur, lui, porte souvent des gants, il ressemble à un majordome de grand hôtel. Il parle peu, mais ose, lorsqu’il comprend que vous êtes français, dire les quelques mots qu’il connaît dans notre langue.
Tout à l’heure, l’un d’entre eux m’a dit « je t’aime » et « merci » – pas désagréable à entendre, ma foi !
Court toujours !
Je lisais récemment un article qui expliquait qu’on pouvait évaluer le moral d’un pays à la longueur de ses jupes. Dépression, baisse de régime, coup d’état : elles plongent au ras du sol, frôlent les chevilles et s’abîment dans la poussière. En période faste en revanche : les minis refont surface et les gambettes se dévoilent.
Cette théorie intéressante, si elle était appliquée au Japon, signifierait que le pays traverse une incroyable période de prospérité. Vous l’avez compris, à chaque coin de rue on se heurte à des demoiselles dont on ne sait plus si elles portent une jupette ou pas, puisqu’on ne voit que leurs jambes, à peine recouvertes d’un bout de pull ou de chemise. Une croissance nulle ayant été annoncée par le gouvernement pour la période s’étalant d’avril 2009 et mars 2010, vous imaginez ma perplexité.
Quand les chiffres seront meilleurs, les Japonaises pourront-elles faire plus court ?
365
Un garçon bégueule de ma connaissance me demandait si j’allais trouver 365 sujets Japon pour alimenter mon blog durant une année (oui, ça fait un billet par jour, vous savez encore compter). Mais comment, lui ai-je rétorqué, moi à cours d’inspiration ? Dans ce pays ? Dans cette métropole ? Impossible ! Il suffit d’ouvrir les yeux pour voir l’originalité, la poésie, l’étrangeté ou le paradoxe. Tenez, hier encore j’étais à Ueno où je vois des corbeaux, je me dis « tiens, un bon sujet pour ahrizgateau » (les animaux dans la ville, leur symbolique, le lien avec le héros de Kafka sur le rivage… voyez le genre). Aujourd’hui en revanche, j’ai fait des yakisobas et j’ai pensé « zut, j’ai déjà évoqué ce plat culte, va falloir que je me mette à l’omelette au riz ». Bref, tout ça pour dire que je m’engage à faire tous les efforts pour partager 365 petits étonnements liés à ma vie d’ici, de la cuisine au jardinage en passant par la littérature, les chats sauvages, les poubelles ou les faits divers (sans parler des toilettes).
Pari tenu ?
Lignes
Je suis fan absolue de Haruki Murakami dont j’ai lu presque toute l’oeuvre. Je ne sais pas trop pourquoi, cette passion me faisait délaisser bêtement Ryu Murakami (je pensais peut-être que je n’avais pas la place pour deux auteurs du même nom dans ma bibliothèque – gourde que j’étais). Bref, je m’y suis mise et la découverte de cet écrivain m’a glacée. Il faut dire que j’ai commencé par Lignes.
Imaginez une nuit à Tokyo où vingt destins s’entrecroisent dans une ronde macabre et névrosée. L’extrême solitude entraîne un déchaînement de violence qui finit par s’exprimer dans les coups, la folie, les brûlures ou le sexe. Et bien sûr, ça se termine au fond d’un trou perdu, profond et anonyme, où personne ne viendra jamais vous chercher. Le ton est délirant et les voix les plus muettes sont assourdissantes. On se sent entraîner dans un cauchemar glauque et intime qui parle d’un Japon qu’on ne voudrait jamais connaître.
Ryu Murakami dit s’être inspiré d’histoires vécues.
Depuis, je regarde bizarrement le caissier de mon combini (j’ai peur qu’il ne soit un serial killer).
Roue libre
J’évoquais récemment la sécurité au Japon, en vous racontant une bonne histoire de pervers démasqué avant son opération des pommettes. Pour alimenter le sujet, je vous propose aujourd’hui de parler d’un fléau dévastateur pour les pauvres piétons innocents dont je suis : le vélo.
Croyez-le ou non, dans ce pays si discipliné et si respectueux, le vélo s’est taillé une place à part. Il s’est construit un espace de liberté qui ne connaît aucune limite.
Les sens interdit ? Connaît pas.
Les trottoirs ? Connaît pas.
Les feux rouges ? Connaît pas.
Les petits enfants qui courent partout ? Voit pas !
C’est infernal. Le vélo n’a ni lois ni règles et j’exagère à peine en vous disant que je risque ma vie tous les jours.
Mais le pire de l’histoire, c’est que rien ne l’arrête. Il pleut, paf ! le cycliste sort son parapluie d’une main et conduit de l’autre. Le portable sonne, paf ! il utilise sa deuxième main pour saisir l’appareil et conduit avec ses jambes seulement. Il a un bébé, allez hop ! dans le panier arrière. Un deuxième enfant, blang ! dans celui de devant. On n’en sort pas !
Finalement, je me demande si j’ai bien fait de commander un vélo au Père Noël…
D. d’honneur
Selon la presse japonaise, une chinoise a récemment été arrêtée pour avoir tenté d’entrer illégalement dans le pays. Pour déjouer le système de sécurité anti-terroriste mis en place depuis 1997, elle se serait fait opérer, intervertissant ses empreintes digitales : index droit à gauche et vice versa.
Il faut dire qu’à l’aéroport (notamment) chaque étranger a le devoir de faire vérifier ses empreintes, une obligation qui hérisse certains… Pourquoi les Japonais ne sont-ils pas soumis à cette règle s’énerve un bon ami qui vit ici depuis 7 ans, elle serait la même pour tous. Et pour montrer son mécontentement, il exhibe régulièrement son majeur aux douaniers en demandant s’il s’agit du bon doigt.
Résultat, il est fiché « individu dangereux ».
Une âme d’enfant
Un ami me conseillait récemment de faire un tour à Disneyland. Pour voir quoi avais-je demandé naïvement. Les files de Japonaises habillées en Minnie, m’avait-il rétorqué dans un sourire, ça vaut le coup d’oeil ! Et ce Français de m’expliquer que les nippons avaient su garder en eux une incroyable capacité d’émerveillement. Ooooh ! Aaaaah ! Kawaaaaai ! Ils s’extasient devant un rien avec une candeur et une spontanéité formidables, d’où ce plaisir à vivre sa passion jusqu’au bout, sans deuxième degré ni moquerie mal placée.
Tout à l’heure, un concert gratuit était organisé à Ebisu. Les chanteurs étaient affublés de perruques afro noires et leur bonnet de Père Noël leur tombait à moitié sur les yeux. Certains avaient la note fausse, d’après l’expert à mes côtés. Croyez-vous que cela a gêné les spectateurs et que des pfff blasés se sont fait entendre ? Non, trois non ! Ils ont écouté, applaudi, fredonné et pris des photos. Et moi… j’ai fait exactement comme eux.