Japan only
Revenons-en au Kit Kat à quoi vous savez. Eh bien, il ne pourrait exister nulle part ailleurs qu’au Japon. Question de goût. Nous trouvons donc ici des produits adaptés à la consommation locale et fabriqués par de grandes marques étrangères :
de la glace Haagen Dazs au thé vert ou à la pêche,
du Fanta au raisin,
des Kit Kat au royal milk tea ou à la patate douce,
des teriyaki burger au Mc Donald,
des yaourts Danone à l’aloe vera…
On se régale !
Et parmi les grands noms de la mode, Gap propose de mini-collections confectionnées ici (pas en Chine ni au Cambodge) et dédiées aux fashion-addicts japonais. Il y aurait même des créations commercialisées uniquement à Harajuku, donc dans un seul point de vente au monde (c’est fou, je sais).
Envie de standards non-standard ? Ne cherchez plus, c’est ici qu’ils sont.
Nulle part ailleurs.
L’ouverture
Il y a quelques semaines, je suis allée voir la Collection Habsbourg au National Art Center de Tokyo, dont le bâtiment, imaginé par Kisho Kurokawa, ressemble à une imposante vague de verre qui aurait été minutieusement quadrillée. Une amie (une autre !) soulignait combien il était étrange de voir ces perles du Kunsthistorisches Museum de Vienne, ici, à l’autre bout du monde. Je suis assez d’accord et pourtant… j’ai découvert au Japon de nombreuses spécialités venues d’ailleurs dont les quadratini italiens ou le baumkuchen allemand dont je ne peux plus me passer. Je danse africain, je chante corse, je bois français, je mange coréen, je m’habille américain fabriqué en Chine…
Euh, je vis où déjà ?
Haut le masque !
Il y a quelques mois encore, j’aimais lancer à la cantonade « et n’oubliez pas vos masques avant de sortir ». Je trouvais cette phrase tordante, puisqu’elle moquait doucement le look chirurgien en balade que les Japonais arborent si souvent et depuis si longtemps.
Aujourd’hui, la cause est entendue, je rigole moins.
Les chiffres du 17 novembre 2009 font état de 7,38 millions de cas officiels de grippe A/H1N1, ça fait beaucoup. Les classes ferment les unes après les autres et la psychose monte doucement. Nous ne sortons plus sans notre masque. Heureusement, nous sommes des milliers (des millions même) à avoir adopté cet accessoire culte. Nous avons des fraises sur les nôtres. La semaine dernière c’était Hello Kitty.
Qui a dit qu’en temps de maladie nous ne devions pas rester à la pointe de la mode ?
Le bain
Avant, j’étais comme vous. Je faisais couler de l’eau à 37° dans ma baignoire, j’ajoutais une bonne dose de bain moussant et je me prélassais seule dans cette pataugeoire. Aujourd’hui, tout a changé :
– je ne conçois plus de mettre une bulle de savon dans mon eau,
– la température doit s’élever à 40° minimum sinon je considère que c’est glacé,
– et bien sûr, je réclame de la compagnie, histoire de papoter de tout et de rien comme au salon.
Quand je sors, je ressemble à une écrevisse mouillée et je fume comme un steack brûlé.
C’est ça le furo japonais !
Les yakisoba
Dans un pays aussi raffiné que le Japon il est un plat qui fait figure de vilain petit canard.
Pourtant, tout le monde en raffole, moi la première.
Puisque nous sommes entre gastronomes, je vous en livre la recette. Versez dans une sauteuse un tas de légumes débités en fines lamelles : du chou, des carottes, des oignons, des champignons (ça, c’est ma touche personnelle), bref tout ce qui vous passe par la main. Faites revenir à feu vif en donnant de grands coups de spatule d’un air pénétré (la cuisine, c’est du sérieux). Ajoutez des morceaux de porcs – toujours en fines lamelles – et couvrez. Versez ensuite des paquets de nouilles fraîches prêtes à cuire, puis saupoudrez d’une poudre brune qui ressemble à de fins granulés de worcestershire sauce (un ami me disait avoir pensé « drôle d’idée de mettre du nesquick sur des pâtes » – quel novice !). Les gourmets apprécieront de parsemer ce plat de gingembre mariné dans une sorte de liquide amniotique rouge grenadine.
Bon appétit !
PS : Dans un de mes nouveaux livres cultes, les héros Hashi et Kiku sont fans absolus de l’omelette au riz, je vous dégotte la recette bientôt.
Les échantillons
En France avant, je regardais toujours les plateaux dégustation d’un air suspicieux.
Je trouvais que la nourriture suait sous les néons et que les personnes en charge de vous faire passer les plateaux étaient antipathiques. L’un faisait la gueule, l’autre souriait comme s’il préparait un bon coup. Tout cela n’incitait pas à la confiance.
Ici, c’est tout le contraire.
Les dames en charlotte sont chaleureuses, les victuailles sont présentées dans de petits verres en plastique comme chez le traiteur. On vous propose de goûter tous les parfums, c’est formidable. A vrai dire, on se gave !
Et c’est ainsi que je suis rentrée avec 4 pots… de yaourt à la salade.
La novice
Promenez-vous au Japon et vous serez surpris de voir les tenues les plus loufoques côtoyer les kimonos les plus éblouissants. Je pourrais ainsi sortir de ma maison en robe de chambre un bonnet de douche sur la tête, personne ne me regarderait bizarrement.
J’aime cette tolérance.
J’ai donc souhaité – motivée par une amie – offrir à mes filles la possibilité de parader en kimono dans la rue, sachant qu’elles ne susciteraient ni attroupement, ni curiosité mal placée. Je me rends dans un magasin spécialisé et je demande à voir ce qu’ils ont pour les enfants. Et là… on me sort des pièces magnifiques.
Les couleurs sont vives, mais pas criardes.
Les dessins sont d’une finesse remarquable.
On les veut ! déclarent mes jeunes accompagnatrices.
Combien ? je demande.
On me donne le prix. Je pense, ah… quand même (c’est pas donné).
Nous sommes sur le point de repartir les kimonos sous le bras – car j’ai cédé, vous l’aurez deviné – quand la vendeuse s’inquiète de savoir si nous avons un obi. Euh… non. C’est vraiment indispensable ? Les yeux de la dame me font comprendre que oui. De nouveau, elle sort de je-ne-sais-où de grosses boîtes en carton avec des ceintures magnifiques à l’intérieur.
Les couleurs sont vives, mais pas criardes.
Les noeuds, les torsades et les plis sont d’une délicatesse infinie.
On les veut ! déclarent mes jeunes accompagnatrices.
Combien ? je demande.
On me donne le prix. Je pense, ah… quand même (c’est pas du tout donné).
Je soupire, comprenant que la tenue sans la ceinture serait comme Bonnie moins Clyde. Va pour le obi ! Nous sommes prêtes à y aller quand la vendeuse, décidément consciencieuse, nous demande si nous avons le cordon qui doit s’enrouler autour du obi ainsi que le morceau de tissu qui doit déborder de celui-ci. Aïe, nous n’avons rien de tout cela et je commence à désespérer. Elle nous sort maints accessoires dans un tourbillon de ficelles et d’explications en japonais. J’ai envie de fuir, mais les filles sont subjuguées. Je suis piégée. De guerre lasse, j’accepte tout, plus 4 cordes supplémentaires, mais on verra les chaussures plus tard. Nous rentrons chargées comme des mules.
J’aurais dû me renseigner avant.
Quelle tare d’être novice !
Dur à cuire
Hier, j’ai reçu par paquet spécial, 4 plaques de chocolat à dessert, soit 800 grammes de pur plaisir à venir.
Vous n’imaginez pas combien ce paquet m’a ravie, je sens déjà l’odeur du fondant en train de cuire et j’ai déjà le palais qui frétille. Evidemment, je vais devoir faire attention. Pas question de dilapider ce précieux butin en une mousse unique pour 20 personnes. Oh là malheureuse, sois économe !
Mais enfin, me direz-vous il y a bien du chocolat chez toi, au Japon.
Oui… et non. D’abord, il n’est généralement pas à cuire, paf mauvais point. Ensuite, lorsqu’il l’est, il coûte très cher presque 10 € (je vous ai fait la conversion pour plus de simplicité) les 100 grammes, la gourmandise a des limites. Et enfin… il y a plein d’autres sucreries délicieuses :
des gaufres à la pâte de haricots rouges,
des boules de riz à la pâte de haricots rouges,
des sandwichs à la pâte de haricots rouges,
des kit-kat à la pâte de haricots rouges…
Oui, c’est varié.
Mais bien sûr, quand on a fait le tour de cette immense choix de pâtisseries (il y a même de la glace à quoi vous savez), ça fait du bien de s’engloutir une bonne part de tarte au chocolat noir.
Enfin, question de goût bien sûr !
Une histoire japonaise
Une amie poète me déclarait aujourd’hui que « quand même, le Japon, c’est pas la petite maison dans la prairie« . On peut bien laisser les enfants rentrer seuls à la maison dès 6 ans, il y a toujours des psychopathes qui rôdent. Comme partout ! La preuve : cette histoire rocambolesque qu’elle me raconte avec moult détails.
Un jour, une femme disparaît. Début classique. On interroge son entourage et on découvre un homme qui accepte sans problème un rendez-vous avec la police. Les forces de l’ordre débarquent chez lui, comme prévu, mais voilà que notre individu prend ses jambes à son cou et file comme le vent sans demander son reste. Dans sa salle de bain, on trouve le cadavre de ladite demoiselle, baignant dans des litres de sable. Arghl ! Tous les commissariats du pays sont alors mis en demeure d’afficher la tête du bonhomme, il est wanted et on promet 10 millions de yens à qui le retrouvera. Une somme assez rondelette ma foi.
Eh bien, figurez-vous qu’on vient de le retrouver ! 2 ans après !
Il a été reconnu par un douanier alors qu’il se rendait à Okinawa et qu’il était sur le point de se faire refaire la mâchoire, le nez ayant déjà été retapé. Incroyable, non ? Et il semble qu’il n’ait opposé aucune résistance.
J’en conclus qu’en ouvrant l’oeil, et le bon, on peut facilement devenir riche ici.
Chasseuse de primes, et pourquoi pas ?…
Le touriste
Tout à l’heure, j’étais près du Meiji Jingu Shrine quand j’entends une voix française déclarer sur le ton docte de celui qui sait « le Japon, c’est pachinko, saké et promenade dans les parcs ».
Ben voyons ai-je pensé, et l’Ecosse c’est Loch Ness, kilt et whisky, l’Egypte pharaon, papyrus et pyramide, la Grèce, salade, cyclades et antiquités ?
Parfois, ça me désespère cette façon de s’en tenir aux lieux communs.
Ce touriste et moi étions pourtant ensemble cet après-midi dans le quartier de Harajuku. Il lui suffisait d’ouvrir les yeux pour voir que le Japon c’est aussi des rockeurs en cuir et banane qui laissent entrevoir leur torse en dansant, des filles en kimono parées comme des princesses et légèrement instables sur leurs petits pieds, des gars à l’appareil photo vissé au bout du bras qui shootent en rafale sans s’essouffler, des mariées en blanc qui sourient discrètement à la foule de badauds qui les encercle, des chiens dans des poussettes fagotés comme des bébés, de pauvres ères qui se rappellent qu’aujourd’hui c’est la fête des 3-5-7 et qui sourient aux enfants.
Oui, il y avait tout cela aujourd’hui en plein coeur de Tokyo.
Et aussi, hélas, ce touriste qui visite les yeux fermés et sa (grande) gueule ouverte.
Un peu plus et il me gâchait ma journée !