L’administration
Imaginez que vous vous rendiez à La Poste (en France) et que, face aux guichets vides, vous vous tourniez vers quelqu’un qui semble être « de la maison ». Audacieux que vous êtes, vous tenterez peut-être une question pas compliquée du type : c’est par où les timbres ? Ce à quoi, neuf fois sur dix, on vous répondra vertement : mais enfin, vous ne voyez pas que c’est la pause ? C’est typique, c’est du vécu !
Eh bien ici, nul risque de se voir renvoyer dans ses buts. Dans les bureaux des services administratifs japonais, il y a toujours quelqu’un et même… beaucoup plus ! Il y a celui qui appuie sur le bouton qui affiche les numéros attendus aux différents guichets, celui qui réceptionne vos documents, celui qui les vérifie, celui qui les valide, celui qui les tamponne, celui qui surveille celui qui tamponne et enfin… celui qui vous renvoie vers un autre guichet pour continuer le parcours du combattant. C’est inouï et, à vrai dire, sans fin.
Pour obtenir mon permis japonais, munie de tous les éléments demandés et arrivée aux aurores, j’ai attendu 3 heures. Bon sang… heureusement qu’il n’y avait pas de pause !
Le détartrage
Moi qui frémis à la seule pensée de la roulette, j’aime me prélasser chez mon dentiste japonais. Tout y est si propre, si organisé et si captivant – je pense notamment au film d’horreur qui passe en boucle dans la salle d’attente et qui diffuse en gros plans les pires misères qui peuvent survenir dans votre bouche. L’expérience est fascinante. J’ai donc tenté le kuriningu (le cleaning)… et je ne l’ai pas regretté. Mazette ! Après la radio de contrôle faite sur place en deux trois mouvements, on vous installe à l’horizontal, on vous demande d’ouvrir le bec et on couvre votre visage avec une petite serviette. Vous avez ainsi tout le loisir de vous concentrer sur le bruit de l’aspirateur à salive et sur le crissement de la curette contre votre émail (amateur de musique expérimentale, je vous conseille ce fond sonore). Le seul hic, c’est lorsque vous souffrez. Bien caché sous votre serviette, le dentiste ne voit pas votre air paniqué. Il continue gaillardement sa besogne. C’est terrible. Ma solution : donner de grands coups de pieds dans les airs pour solliciter son attention. Croyez-moi, ça marche. Et, au lieu de vous réprimander pour vos manières peu civilisées, il vous proposera un nouveau rendez-vous. Le détartrage, c’est en effet tous les 6 mois !
Mon professeur de piano
Il est né d’une galaxie,
Aux frontières d’une autre vie.
Qui est-il ? D’où vient-il ?
Ce terrible géant,
Des nouveaux temps…
Comme beaucoup de ma génération, c’est bien Goldorak qui m’a initiée en premier à la culture japonaise. Puis, j’ai rencontré Pat Morita, alias Monsieur Myagi dans Karaté Kid. Ah ! Le sensei de Daniel-san, un vrai monsieur. Eh bien chaque semaine, quand Keiko arrive chez moi, je pense à lui. Certes, les méthodes d’enseignement de mon professeur de piano sont plus orthodoxes, mais dans ses intonations, ses grimaces ou ses remontrances muettes, elle me rappelle beaucoup Monsieur Myagi.
Quand elle me fait répéter des gammes, elle affirme souvent « ça, c’est bon exercice ». Et quand je joue mal, au lieu de me dire « c’est n’importe quoi, recommence donc« , elle s’assied à ma place, m’imite en tapant comme une sourde sur les touches et déclare « ça, ne pas être bien » (ah bon ?). Et de m’expliquer pour la énième fois : main gauche d’abord, main droite ensuite ; après, les deux.
J’adore !
Miraikan
Dans ce musée des sciences émergentes et de l’innovation, on caresse les robots qui envahiront bientôt nos maisons, nos routes et nos hôpitaux ; on joue au puzzle avec des morceaux de cervelle et on pratique une intervention chirurgicale en suivant ses gestes sur un vrai moniteur ; on visite une chambre d’astronaute dans une reproduction de la station Mir sur laquelle le grand Buzz Aldrin a apposé sa signature (waouh)… On est ému, étonné et troublé par ce que l’on perçoit du futur. Demain ressemblera donc à ça ?
Le coiffeur
J’aurais dû me méfier de ce coiffeur tout sourire dont la coupe était bien cachée sous un chapeau à carreaux. Il avait pourtant l’air détendu et ses doigts, couverts de bagues, bien habiles ma foi. Dommage ! Avec mon mauvais japonais, j’ai expliqué « pareil mais plus court » – une description extrêmement précise, comme vous pouvez le constater. Je suis ressortie de chez lui avec le même carré que celui de ma fille. L’air d’avoir 9 ans.
Finalement, je me suis rendue chez un autre coiffeur – francophone cette fois-ci. Deuxième résultat catastrophique, à peine tempéré par le plaisir du shampoing réalisé par une shibuya girl pur jus, une nymphette presque blonde aux folles anglaises. La prochaine fois, je choisirai cette coiffure-là.
Peur sur la ville
Tokyo est l’une des villes les plus sûres au monde et pourtant…
En juin 2008 dans le quartier de Akihabara, un jeune homme de 25 ans fonçait en camion sur la population, sortait une dague et poignardait 17 personnes dont 7 sont mortes. Un coup de folie qui s’est rappelé à la mémoire de chacun lorsqu’un anonyme a fait savoir sur internet son projet de tuer aveuglément les passants à la gare de Shinjuku, vendredi 11 février à 21h00. 80 policiers ont spécialement été déployés sur les lieux, la télévision s’est précipitée, j’ai retenu mon souffle.
L’enquête a finalement convergé vers un adolescent de 15 ans, qui a simplement déclaré être curieux des conséquences de son message. Le garçon avait l’intention d’observer la scène de panique attendue et de prendre ensuite le bus de nuit pour Osaka. Qu’adviendra-t-il de lui ? La suite au prochain épisode.
Hello Kitty
Elle n’a pas de bouche, parce qu’elle parle avec son coeur !
Cette explication suffit-elle à légitimer le succès mondial rencontré par cette petite chatte blanche, anglaise et protestante, affublée d’un noeud simpliste et élue « meilleure prostituée d’entreprise » ? Peut-être… Certains cependant avancent d’autres pistes de réflexion. 22 000 licences accordées généreusement par Sanrio son créateur, ce qui permet d’acheter chips, bijoux, parfums et vibromasseur à l’effigie de la minette. Une accessibilité maximum pour un prix qui varie de 1 à 125 000 €. Un design simple et so kawaii, sans histoire compliquée dans laquelle se projeter. Un succès jamais démenti auprès des stars américaines telles Mariah Carey ou Cameron Diaz. Quoi qu’il en soit, l’alchimie a pris. Hello Kitty, inventée en 1974 par la styliste Ikuko Shimizu, générerait aujourd’hui plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires. Du lourd pour cette ambassadrice du Japon qui représente également l’Unicef depuis 1983.
La liste
Chose promise, chose due.
Je remercie mille fois et très officiellement M.J. pour la boite d’amandes Marcona caramélisées, recouvertes de gianduja et poudrées cacao arrivée aujourd’hui. Un bien joli cadeau, doublée d’une délicieuse attention de la part de cette lectrice parisienne qui a la chance d’être la voisine d’un chocolatier exceptionnel.
J’en profite pour vous faire part d’autres produits dont je manque cruellement au Japon : le sérum physiologique, l’aspirine, l’Eludril, les tampons Nett, les disques de coton, les Granola, les soutien-gorge (non-rembourrés), le sirop de grenadine, la poudre de noisettes, les petits hauts Bonnie & Claude, les playmobil (disons l’école et le cabinet de dentiste), les mouchoirs en papier (épais), la Danette au chocolat (praliné accepté) les cahiers quadrillés à l’ancienne, les Carambar avec leurs blagues, le vin de noix…
Voilà (et songez que vous avez de la chance car j’ai dégotté une fromagerie incroyable ainsi qu’un traiteur bien nommé « Aux trois cochons » qui vend du pâté et du saucisson).
N’hésitez pas à faire fonctionner la Poste. Ici, elle marche 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Et si le facteur passe en votre absence, hop ! un coup de fil et il repassera.
La machine à riz
Après des mois – que dis-je, des années – de bouillie informe cuite à la casserole, on a fini par m’offrir une machine à riz. Fallait-il voir dans ce cadeau un semblant de critique à l’égard de ma cuisine ? Mystère. Toujours est-il que je lave désormais mes grains trois fois à grande eau, je laisse trempouiller 30 minutes et je lance le programme après avoir versé une cuillerée de miel. La cuisson se fait toute seule, c’est formidable ! Mieux encore, je peux réchauffer, garder à température pendant 24 h, obtenir le riz idéal pour les sushis et même préparer du risotto. Que demandez de plus, franchement ? Après, il faut que la consommation suive. Matin, midi, soir, lundi, mardi, mercredi, jeudi… devinez ce qu’on va manger ?
Les cartes de visite
Qu’est-ce qu’on dégaine ici plus vite que son ombre et qui n’est pas un colt ? La carte de visite bien sûr ! Pour donner son nom, mais aussi pour asseoir son statut, elle est essentielle. Capitale. Mais, jeunes gens désinvoltes, n’allez pas faire comme moi. Attraper négligemment la carte que l’on vous tend, jeter un oeil distrait en commentant intérieurement la direction artistique et la fourrer dans votre poche avec les mouchoirs usagés : surtout pas malheureux ! Voici le cérémonial obligé (et validé par un expert) : recevez-la à deux mains si possible, en vous courbant à 45° minimum. Lisez attentivement en posant des questions (vos bureaux sont donc à Roppongi, comme c’est intéressant) vous marquerez des points. Si vous recevez une autre carte de visite dans la foulée, gardez tout en main et faites en sorte que celle-ci ne recouvre pas totalement la première. Et lorsque vous êtes assis à une table de réunion, placez la carte devant vous face à la personne correspondante ; en vous adressant à elle, vous saurez toujours quel est son poste et quel degré de respect vous devez lui témoigner. Oui, c’est un peu fastidieux, mais un faux-pas vous coûterait davantage : vexer un Japonais… ouh là, je ne m’y risquerais pas (à vrai dire, cela m’est déjà arrivé et j’ai dû prendre un air aussi angélique que contrit pour me faire pardonner).