Mais où sont-ils ? A la piscine bien sûr !
Avez-vous déjà vu une piscine sans mômes qui braillent, ni mères excédées tartinées de crème solaire et plongées dans quelque magazine féminin spécial maigrir ? Moi oui !
L’été dernier, cherchant un lieu où me rafraîchir, je décide d’emmener quelques proches et enfants dans une piscine extérieure et bon marché située au pied de la Tokyo Tower. On prend les billets, on file vers les bassins et là… surprise. Pas un bout de chou à l’horizon en train de se noyer sous sa bouée : il n’y a que des hommes (drôlement hâlés) ainsi qu’une poignée de bimbo (drôlement bien roulées). Bizarre, non ?
Après enquête, il semblerait que nous soyons tombés dans un repère de yakuza.
J’en frissonne encore.
PS : pour votre gouverne, et si le sujet vous intéresse autant que moi, regardez donc le film « Young Yakuza » de Jean-Pierre Limosin. Passionnant.
Aparté
Au début de ce blog, mes chers amis graphistes et photographes s’obstinaient à me bombarder de conseils. Tu devrais mettre plus de photos, agrandir ta typo, justifier ton texte… Ils parlaient pour mon bien, évidemment. Constatant que je disais oui-oui en regardant ailleurs (forte tête), ils ont abandonné l’idée d’optimiser cet espace et se sont tus (paf ! réduits au silence les pauvres). Je dois pourtant reconnaître que je pourrais faire mieux, c’est vrai. Mais, comme je n’ai ni l’oeil de Guillaume, ni les crayons de Florent et encore moins le talent de Xavier, comme ma référence absolue en matière de blog est l’Autofictif, sans images et sans commentaires, de l’écrivain Eric Chevillard, je ne changerai rien. Tant pis.
Pour les consoler quand même, ces proches amis si talentueux et bienveillants, voici deux images sublimes : une vue de Niijima, l’île merveilleuse-mais-déserte-en-hiver, et l’autre de ma maison préférée dans le quartier (sa couleur est assortie à mon nouveau manteau).
Le test du téléphone
Quand on commence à maîtriser le japonais, on vit des moments prodigieux. Ainsi, réussir à expliquer que vous avez mal à la gorge et ressortir de la pharmacie avec un sirop tient du miracle et on s’en vantera des années après. You hou yes ! Mais attention, comme toujours, il ne faut pas fanfaronner trop vite. Décrochez votre téléphone et appelez une station essence pour une livraison de kérosène à domicile… hé ! hé ! Même si vous avez écrit phonétiquement votre phrase et que vous l’avez répétée dix fois devant le miroir, le dialogue rapide (dépossédé de cette aide précieuse qu’est le langage non-verbal – tiens v’là un dessin, hop ! je mime la quinte en crachant dans ma paume, etc.) vous prendra vite au dépourvu. Vous croirez avoir fait passer le message… taratata ! Vous attendrez en vain (et dans le froid) votre pauvre bidon et vous penserez qu’il y a des jours comme ça, où on se sent vraiment seul.
(De nouveau) la question du chocolat
L’arrivée imminente de la grande fête du chocolat au Japon, à savoir la Saint Valentin, me donne aujourd’hui l’occasion de faire le point sur cette gourmandise légendaire. Rappelez-vous : à mon arrivée ici, je désespérais de trouver la moindre plaque correcte à un prix abordable (je ne parle pas du Côte d’or d’importation vendu une fortune) et j’en étais réduite à pleurer pour qu’une âme charitable m’en envoie par la poste en échange d’un colis de gâteaux fourrés à la pâte de haricots rouges (pensez si cette offre a eu du succès). Quelques mois plus tard, me voilà de bien meilleure humeur ! J’ai découvert : les Choco cro, les Kit Kat au chocolat noir (ça change du parfum thé au lait), les Almond et les Macadamia… de quoi tenir le coup loin du rayonnage confiserie de Monoprix ou, mieux encore, de cette belle boutique de Jean-Charles Rochoux rue d’Assas.
Parisiens chanceux, si néanmoins vous passiez par là, ayez une petite pensée pour moi (vous aurez droit à des remerciements officiels, publiés sur ce blog dont chacun connaît la portée internationale).
A maman et Ab : merci encore pour les rochers !
Le fond sonore
Calme et respectueux de nos petites oreilles, le Japon ? Allons donc !
Parlez-en à cet ami français éreinté par les cris du vendeur de pommes de terre installé au pied de chez lui, le vacarme des marteaux-piqueurs jusque tard dans la nuit et le passage vrombissant de l’autoroute sous ses fenêtres. C’est assourdissant ! Dans les magasins, on vous martèle les dernières promotions à l’aide d’un mégaphone réglé au maximum. Aux passages pour piétons, les aveugles bénéficient d’un signal musical qui les autorisent à passer – certes pratique mais si entêtant à force. Dans les restaurants, les serveuses s’obstinent à vous parler d’une voix de midinette si haut perchée qu’on a envie de leur coller une cigarette au bec et de leur faire écouter Jeanne Moreau. Et si, comme moi, vous avez la chance de vivre dans une petite ruelle tranquille, ne vous fiez pas aux apparences. Le camion récupérateur de déchets ménagers viendra chanter sa ritournelle pré-enregistrée jusque devant votre porte : « telebi, pasokon, reizouko… » Cela plusieurs fois par jour, samedi et dimanche compris.
Chotto urusai ne ?
De quoi j’me mêle ?
Au Japon dit-on, vous pouvez battre votre femme comme plâtre, votre voisin ne risque pas de venir tambouriner à la porte ! Ici en effet, pas question de se mêler des affaires des autres : on laissera volontiers le grand-père jeûner 30 ans dans sa chambre sans le déranger et le bébé d’à-côté pleurer l’absence de sa mère partie plusieurs jours se changer les idées (deux faits divers bien réels qui se sont soldés par la mort des protagonistes). On sera sourd et aveugle, peu importe les conséquences.
Cette non-implication, terriblement décriée par un proche ami français, j’ai néanmoins pu constater qu’elle n’était pas toujours avérée. Il y a deux jours, j’ai eu un accident de vélo avec une fillette. Croyez-vous que les passants se sont contentés de détourner la tête en sifflotant, l’air de rien ? Pas du tout ! Ils se sont précipités sur nous. Ils nous ont secourues, livrées aux bons soins des pompiers (le rêve) et réchauffées d’un bon thé chaud.
Alors, indifférents ces Japonais ? A vous de juger…
(Remarquez, ma petite blessée criait si fort que les passants ont peut-être cherché le plus sûr moyen de la faire taire, ce serait une explication alternative à l’aide qu’ils nous ont apportée. Cela dit, je préfère croire qu’ils ont simplement fait preuve de compassion – merci à eux !)
Le bon voisinage
Au Japon, la tradition veut qu’on se présente à ses voisins en leur offrant un petit cadeau – souvent des soba, ces nouilles de sarrasin dont la longueur évoque la longévité des bonnes relations que l’on souhaite entretenir avec eux. Soucieuse de me plier aux habitudes du pays, j’ai donc cherché quelques douceurs bien françaises à remettre aux familles qui m’entourent. Des amandes de la Maison du Chocolat, une folie ! On toque à la porte, on sourit, on se courbe, on remet le présent assorti de formules de politesse ultra-complexes et on rentre chez soi, sûrs désormais de n’être entourés que par des gens bienveillants.
Oui mais voilà, ma voisine s’obstine à arroser mon vélo en même temps que ses plantes. Argl ! Comment lui dire sans ruiner mes efforts d’intégration ?
(Demain en douce, je ratiboise toutes ses fleurs.)
Le cinéma
La deuxième fois où je suis allée au cinéma à Tokyo (la première fois, j’étais en retard, ça ne compte pas), je me suis précipitée billet en main vers la porte d’entrée pour faire la queue comme il se doit, ici, dans ce pays de discipline et d’organisation. Je regardais les futurs spectateurs en train de patienter au bar avec pitié, les jugeant novices et peu familiers de la technique d’attente made in Japan (je me félicitais intérieurement pour ma sagacité). Las ! J’entends alors une annonce invitant les personnes ayant les billets numérotés de 0 à 20 à entrer dans la salle. Bigre, j’avais en main le numéro… 88. On était en train de faire entrer les spectateurs par ordre d’achat des tickets. Etant la dernière arrivée, je serais la dernière à m’installer. Passez donc devant moi m’sieurs, dames !
(Je crois que je ne m’accoutumerai jamais aux us et coutumes du Japon.)
Les cadeaux
C’est bien connu, les petits cadeaux entretiennent l’amitié (à bon entendeur) et je dois reconnaître que les Japonais s’y connaissent en la matière. Tenez, l’autre jour, le vieux taxi de Niijima m’attendait avec un paquet de nouvel an : des clémentines et une espèce de carré vert épinard saupoudré de blanc, une spécialité de l’île, une gourmandise rarissime à base de pommes de terre et d’herbes bien mystérieuses qu’il m’a désignées en levant sa main vers le fourré. J’avoue qu’en mordant dans la pâte épaisse et fibreuse, je me suis sentie comme dans les bronzés avalant la fameuse fougne (j’ai des références)… j’ai longuement mâchouillé sous le regard attentif du taxi et j’ai pris un air réjoui. Dé-li-cieux !
PS : on rigole, on rigole, mais je suis partie du Grand Hôtel avec un paquet de chips et des biscuits qui ont fait mon déjeuner (à Nagasaki, j’avais reçu une boîte de chewing-gums).
Nouvel an à Niijima
Le départ
Lorsque j’ai demandé à la dame de l’office du tourisme de Tokyo l’adresse d’un bon restaurant à Niijima pour passer la soirée du nouvel an, elle a paru… légèrement décontenancée. Pourquoi aller là-bas a-t-elle demandé. (Cette question aurait dû me mettre la puce à l’oreille, mais je suis restée sourde à sa surprise.) Des amis m’ont conseillé l’endroit ai-je rétorqué, sûre de mon bon choix. Après quelques recherches, ma précieuse informatrice m’annonce qu’elle n’a rien à me recommander (ce qu’elle pressentait dès le début), que le seul bus de l’île sera certainement hors-service en cette période de congé et qu’aucun ferry n’a pu accoster à Niijima depuis deux jours en raison d’un très grand vent en mer. Ah ?! ça promet !
Après une journée à envisager un plan b (rester à Tokyo ou… rester à Tokyo, un programme alternatif varié et original), j’apprends que le bateau partira finalement comme prévu, le soir à 22h. En revanche, la compagnie maritime ne s’engage ni sur l’arrivée, ni sur le retour du ferry. Ah ?! ça promet…
A bord… formidable ! Une ambiance du tonnerre, planche de surf à la main et canette de bière dans l’autre. Les voyageurs sont vraiment relax, ça change des salarymen tirés à quatre épingles. La cabine est équipée d’une télévision et met des yukatas à disposition (j’ai appris aujourd’hui que j’aurais même pu prendre un o-furo à bord, quelle classe). Petit bémol néanmoins : l’absence de sacs à vomi. Ils auraient pourtant été bien utiles le lendemain matin, entre roulis et tangage, lorsque mon pauvre ventre a rendu tout ce qu’il pouvait. C’est bien simple, en accompagnant ma cadette aux toilettes, j’avais l’impression que les murs du couloir jouaient au ping-pong avec moi (sachant que je me tenais littéralement à quatre pattes, imaginez le tableau).
Le bateau finit cependant par arriver avec une heure et demie d’avance. Les vagues immergent la moitié du quai et il souffle un vent à décorner les boeufs. Nous sommes une poignée de péquins à quitter le navire.
Bienvenue à Niijima !
L’île morte
Niijima est une île de 24 km2, située à 163 km au sud de la capitale. Elle compte moins de 3 000 habitants. Elle ne possède pas de temple particulièrement renommé, mais ses plages sont parmi les plus belles du Japon. Les surfeurs y accourent et tout Tokyo s’y déverse dès les beaux jours.
Nous étions partis chercher le calme, nous avons trouvé… le désert.
Pas un magasin ouvert (encore moins de combini, inexistant là-bas).
Pas un touriste à l’horizon.
Pas de bus en circulation, pas de vélo et à peine deux voitures.
Un seul réseau de téléphone (ouf pour le garçon qui m’accompagne).
Un chat. Des nuées d’oiseaux.
Et moi (plus les trois malheureux à qui j’ai infligé ce « voyage de rêve »).
Le grand hôtel
L’unique établissement ouvert de l’île en cette période de fin d’année peut accueillir 120 personnes. Nous étions quatre, accueillis au port par la patronne grelottante derrière sa pancarte. L’hôtel est immense et nous avons l’impression d’être les héros de Shining.
Heureusement, les propriétaires sont aux petits soins. Ils s’inquiètent de notre premier dîner sur l’île et réservent dans une sushiya qu’ils font ré-ouvrir pour nous et où ils nous conduisent eux-mêmes. Nous y célébrerons le réveillon, le nez devant la télévision qui diffuse la grande soirée censée nous mettre de joyeuse humeur. J’apprécie particulièrement le moment où le perdant du jeu « jan ken poi » (pierre, feuille, ciseaux) se voit déverser dans le pantalon le contenu frétillant d’un petit aquarium. Un pur moment de divertissement à la japonaise !
De retour à l’hôtel, les propriétaires proposent de nous rendre ensemble au temple pour écouter à minuit les 108 coups de cloche traditionnels. Ils nous y emmènent en voiture et j’ai le droit de faire sonner la cloche moi-même, aidée par un moine (un prêtre ?). On prend deux fois son élan et dong !
Instant de recueillement vrai sous le ciel étoilé.